Le dourak

Le dourak est un jeu de cartes d'origine russe, qui se caractérise par son originalité et sa variété dans le déroulement d'une partie. Il se joue à 2, 3, ou 4 joueurs avec un jeu de 36 cartes (du 6 à l'As dans chaque couleur).

L'objectif d'une partie est de ne pas rester seul avec au moins une carte en main. Le joueur qui reste seul perd, et est déclaré « dourak » (l'idiot !). On décidera à l'avance de terminer la partie soit après un certain nombre de manches, soit lorsque l'un des joueurs aura été déclaré « dourak » plus de n fois. Ce jeu comporte une part de hasard, fait appel à la mémoire, et est plus un jeu de tactique que de stratégie, la rapidité de décision étant un facteur de succès puisque, nous le verrons plus loin, les joueurs jouent « en parallèle ».

Règles du dourak

On joue dans le sens des aiguilles d'une montre. Le donneur distribue une par une six cartes à chaque joueur, puis retourne une carte à côté du talon des cartes restantes. La couleur de cette carte détermine l'atout. Une manche est une succession de coups.

Pendant la première phase, au cours de ces coups, le talon s'épuise. La carte retournée est considérée comme la dernière carte du talon. Lorsque le talon est épuisé, on entre en phase finale pendant laquelle certains joueurs peuvent sortir, le perdant étant le dernier joueur restant. Pour le premier coup de la manche, le joueur qui entame est celui qui suit le donneur. Il pose sur la table une ou plusieurs cartes de même hauteur, côte à côte, faces visibles, créant ainsi une suite d'attaques. Le joueur qui entame est le premier attaquant. Le joueur qui le suit est le défenseur. Les joueurs suivants sont également des attaquants.

Pendant la suite du coup, défenseur et attaquants jouent « en parallèle », sans ordre fixé, en respectant les règles suivantes. Pendant tout le coup (donc dès l'entame), les attaquants peuvent à tout moment ajouter des cartes de même hauteur que celles déjà posées par les attaquants ou le défenseur.

Parallèlement aux attaques, le défenseur essaye, s'il le veut et s'il le peut, de répondre à celles-ci en couvrant chacune d'elles par une carte et une seule de force supérieure, dans la même couleur que celle de l'attaque, l'ordre des cartes étant celui de la bataille. Une carte d'atout est considérée comme plus forte qu'une carte quelconque d'une autre couleur.

Les attaquants doivent respecter la règle suivante : le nombre total d'attaques posées par les attaquants ne doit dépasser, ni six cartes, ni le nombre de cartes que le défenseur a en main. En cas de pose « simultanée » de nouvelles attaques, ne sont conservées prioritairement que les attaques du premier attaquant, puis, dans l'ordre, des autres attaquants en respectant la règle ci-dessus. Les autres attaques sont reprises par les joueurs qui les avaient posées.

Le coup se termine de l'une des deux façons suivantes :

• Ou bien le défenseur a pu couvrir toutes les attaques et les attaquants ne jouent plus, soit parce que le nombre d'attaques a atteint son maximum, soit parce qu'ils ne peuvent ou ne veulent plus jouer. Dans ce cas, les cartes étalées vont au rebut et sont éliminées du jeu.

• Ou bien le défenseur n'a pu ou voulu couvrir toutes les attaques. Dans ce cas, le défenseur inclut les cartes étalées dans son jeu.

Remarques

1. En couvrant les attaques, le défenseur peut créer de nouvelles possibilités pour les attaquants.

2. Lorsqu'il couvre les attaques, le défenseur s'efforcera de ne pas cacher entièrement celles-ci, car les attaquants peuvent se « réveiller » à tout moment et poser des attaques de même hauteur qu'une attaque antérieure, même couverte par le défenseur.

3. Il est d'usage que, pour les deux fins possibles, le défenseur demande à tous les attaquants : « c'est bon ? ». S'ils acceptent, le coup est terminé. Sinon, l'un des attaquants relance le coup.

Passage au coup suivant

Une fois le coup terminé, tous les joueurs ayant moins de six cartes complètent leurs jeux à six, même lorsqu'un joueur n'a plus de carte, en puisant dans le talon. Le défenseur complète son jeu, puis le premier attaquant, puis les suivants.

Si le talon, y compris la carte retournée, s'épuise, on passe à la phase finale de la partie.

Certains joueurs peuvent alors avoir moins de six cartes en main. Dans le cas où le défenseur a pu couvrir toutes les attaques au premier coup, le défenseur devient le joueur qui entame. Dans l'autre cas, c'est le joueur à gauche du défenseur qui entame.

Phase finale

Lorsque le talon est vide, on arrive en phase finale. Les mêmes règles s'appliquent, sans bien sûr qu'on puisse désormais compléter les jeux. Au cours de cette phase, les joueurs peuvent « sortir » du jeu de la façon suivante : un attaquant peut sortir du jeu en se débarrassant de toutes ses cartes. La partie continue entre les autres joueurs. Si le défenseur reste seul en jeu, il perd la partie. Le défenseur peut sortir du jeu en couvrant toutes les attaques, s'il épuise ainsi ses cartes. Les attaquants ne peuvent plus poser de carte sur la table, d'après la restriction d'attaque donnée ci-dessus. S'il ne reste qu'un attaquant, celui-ci perd la partie. Lorsque le coup se termine par la sortie du défenseur, le joueur à sa gauche entame le coup suivant. La partie se termine donc lorsqu'un seul joueur reste en jeu. Ce joueur, déclaré « dourak », donne les cartes à la partie suivante.

Variantes du dourak

• Avec pique : dans cette variante, pique devient une couleur autonome, qui ne peut être atout (si le donneur retourne un pique, il le remet dans le talon et retourne la suivante jusqu'à obtenir une carte de couleur différente de pique, et qui ne peut être couverte que par du pique (et en particulier pas par de l'atout).

• Avec transfert de la défense : au départ du coup, le défenseur et les attaquants sont définis comme précédemment. Mais ces rôles des joueurs sont provisoires tant que le défenseur n'a pas joué. Les attaquants peuvent jouer en créant des attaques du même niveau que l'entame. Le défenseur peut alors :

- Soit commencer à couvrir les attaques, auquel cas les rôles des joueurs sont définitivement fixés.

- Soit transférer la défense au joueur suivant en posant une carte de même hauteur que l'entame à côté de celle-ci. Il passe ainsi chez les attaquants et le joueur qui le suit devient défenseur. Ces rôles sont encore provisoires et la défense peut être à nouveau transférée. Toutefois, un défenseur provisoire ne peut transférer le coup si le joueur qui le suit n'a pas suffisamment de cartes, le nombre d'attaques ne pouvant être supérieur au nombre de cartes du défenseur. Dans ce cas, il devient défenseur définitif :

- soit proposer aux attaquants d'inclure dans son jeu les cartes étalées sur la table, comme indiqué en deuxième coup de fin possible. Mais si l'un des attaquants provisoires joue en créant des attaques du même niveau que l'entame, le coup continue, le transfert étant en particulier encore possible.

Exemple d’une partie de dourak

Les trois joueurs X, Y, Z retournent les cartes suivantes, données par Z :

X : Valet de cœur, Roi de carreau, 9 de carreau et 7 de carreau.
Y : 10 de pique, 10 de cœur, As de carreau, 10 de carreau, 8 de carreau et As de trèfle.
Z : Roi de pique, As de cœur, 6 de cœur, valet de carreau, 6 de carreau et 7 de trèfle.

Les trois joueurs pratiquent la variante la plus intéressante, avec autonome et transfert. Z retourne la Dame de carreau. Carreau devient  l'atout.

1er coup : X entame du 6 de trèfle. Il est préférable en effet de se débarrasser d'abord des petites cartes et de garder les A, R, D, les atouts et les gros piques.

Y n'a pas de 6, ne peut transférer et couvre par le 8 de carreau. Il devient défenseur. Z met alors son 6 de cœur, ce qu'il aurait pu faire immédiatement après l'entame de X, car possédant un autre 6, il n'avait pas à craindre un éventuel transfert de Y, pouvant lui-même à son tour transférer vers X.

Le défenseur Y couvre par le 10 de cœur. Seul Z peut jouer (son 6 de carreau), mais il préfère garder ses atouts. Les joueurs, d'un commun accord, mettent les cartes au rebut et l'on passe au coup suivant.

2eme coup : les joueurs complètent leurs jeux. X ramasse le V de trèfle, Y, 9 de trèfle et V de pique, Z, l'As de pique.

Y entame du 9 de trèfle. Z ne peut transférer, car il n'a pas de 9, et il ne pourrait couvrir que par atout. Il préfère conserver ses atouts. Il aurait probablement mieux valu pour lui couvrir par le 6 de carreau, car deux 6 étant tombés, les possibilités de nouvelles attaques étaient faibles. Z aurait ainsi eu l'entame, ce qui est souvent avantageux.

Z propose de ramasser. Y, qui n'a pas d'autre 9, accepte. X, préférant garder son atout et voulant l'entame, accepte aussi. Z ramasse les cartes étalées et l'on continue.

Passons sur les coups suivants, et imaginons qu'au 11eme coup, X épuise le talon, faisant entrer le jeu dans sa phase finale. Les trois jeux sont alors les suivants :

X : 9 de pique, Roi de carreau, Dame de carreau, Dame de trèfle et 10 de trèfle.
Y : 6 de pique, As de carreau, 10 de carreau, As de trèfle et Roi de trèfle.
Z : As de pique, Dame de pique, 7 de pique, As de cœur, Roi de cœur, Dame de cœur, 7 de cœur, Valet de carreau, 7 de carreau, Valet de trèfle, 8 de trèfle et 7 de trèfle.

11eme coup : X entame du 10 de trèfle. X garde son 9 de pique et de quoi couvrir les 7 de Z. Y transfère en jouant le 10 de carreau, ce qui n'est pas le meilleur choix. Couvrir aurait été préférable, car les autres 10 sont au rebut et Y aurait ainsi eu l'entame.

12eme coup : Z entame de ses quatre 7. X n'a plus que 4 cartes, couvre et sort du jeu. C'est donc à Y de jouer en premier le coup suivant. Bien qu'ayant l'entame et de belles cartes (quoique faibles à pique), Y ne semble avoir aucune stratégie gagnante si Z ne fait pas d'erreur.

13eme coup : Y entame du 6 de pique, couvert par la Dame de pique de Z, les deux cartes allant au rebut.

14eme coup : Z entame du 8 de trèfle, Y joue le Roi de trèfle, Z joue le Roi de cœur, Y, l'As de carreau, Z l'As de cœur et Y ramasse.

15eme coup : Z, à qui il ne reste plus que la Dame de cœur et l'A de pique, entame de l'As de pique, qu'Y est obligé de ramasser.

16eme et dernier coup : Z joue sa Dame de cœur et sort du jeu, Y ayant perdu. Son erreur au 11eme coup est pour une grande part cause de cette défaite.