L’Hombre

Il faut attendre le XVIe siècle pour que l'on rencontre les premiers jeux de levées (ou plis). La Triomphe, le Ruff, les Honneurs et l'Hombre, utilisent tous, ce que l'on appelle aujourd'hui un atout.

L'Hombre, comme les autres jeux, est dérivé de la Roufa, jeu italien du début du XVIe siècle, ce qui explique sa ressemblance avec le Tarot. Pratiqué en Espagne sous le nom de Renegado, il fut introduit en France sous Henri IV et appelé Hombre, qui signifie homme, adversaire. Catherine de Bragance, qui épousa Charles II, en 1662, le fit connaître en Angleterre. On y joua en France en 1659, mais c'est en 1718 seulement que l'édition des Académies Universelles des Jeux le répertorie.

Les règles de l'Hombre, plusieurs fois modifiées, furent à nouveau transformées et l'édition de 1752 des Académies Universelles des Jeux le mentionne à nouveau ainsi que sa variante l'Hombre à cinq.

Au XVIIIe siècle, l'Hombre est très en vogue dans les milieux élégants ainsi que dans les villes d'eaux comme Aix-la-Chapelle ou Wiesbaden. On dit que Descartes y joua à 17 ans et l'abandonna après avoir perdu durant 15 nuits consécutives. Il s'intéressait plus aux probabilités mathématiques qui avaient causé ses pertes qu'à ses pertes elles-mêmes. Rotrou, auteur dramatique, gagna un jour 400 louis à l'Hombre et confia à Corneille un sac dans lequel il avait enfoui l'argent. Corneille ne put résister, joua et perdit les 400 louis. Il redonna le sac vide avec un billet : « Vous n'avez pas l'ombre d'une chance ». En 1736, après l'interdiction par la police d'un autre jeu « le Pharaon », l'Hombre devint un jeu d'argent très prisé. Une expression de ce jeu : « demander gano », de l'espagnol « je gagne », était employée par Boileau ; le Dictionnaire François de 1776 la cite comme un mot d'argot signifiant, selon Albert Simonin, « magot ». Presque disparu aujourd'hui, du moins en France, l'Hombre est toujours pratiqué au Danemark (où il a fait l'objet d'un livre publié en 1965), en Amérique latine et en Espagne (sous le nom de Tufillo).

Règles de l’Hombre

L’Hombre se joue avec 40 cartes, soit un jeu de 52 cartes dont on a retiré les 10, les 9 et les 8.

Ordre de valeur des cartes et points qu'elles représentent

Couleur noire : Pique et Trèfle dans l'ordre décroissant : Roi, Dame, Valet, 7, 6, 5, 4, 3, 2.
Couleur rouge : Cœur et Carreau dans l'ordre décroissant : Roi, Dame, Valet, As, 2, 3, 4, 5, 6, 7.

A l'atout (ou triomphe) quelles que soient la couleur et la famille choisies, les trois plus fortes cartes sont appelées matadores. Ce sont dans l'ordre décroissant :

L'As de Pique : Spadille.
La plus petite carte de la famille : Manille (les 2 noirs et les 7 rouges).
L'As de Trèfle : Basta.

Si l'atout est de couleur rouge et de famille Coeur ou Car-reau, l'As appelé « ponte » se place avant le Roi et après les 3 matadores.

Chaque joueur dispose de 10 jetons ronds et de 9 fiches valant 10 points chacune, le tout représentant donc 100 points.

Le but du jeu de l’Hombre est de ramasser le maximum de levées.

Déroulement d’une partie d’Hombre

Pour désigner le donneur, on distribue en retournant devant chaque joueur les cartes du paquet, une par une. Le premier sur lequel tombe un As noir est donneur. Il sera remplacé au tour prochain par son voisin de gauche et ainsi de suite.

Chaque participant mise trois jetons. L'ensemble des mises s'appelle la poule. Le donneur distribue neuf cartes à chacun, trois par trois, dans le sens des aiguilles d'une montre. Il n'y a pas de tourne. On procède à un tour d'enchères pour désigner « l'Hombre », celui qui choisit l'atout et qui s'engage à réussir un contrat.

Le voisin de gauche du donneur ouvre le jeu. Il a le choix entre :

• Dire « Je passe » et verser deux jetons à la poule.

• Jouer. Dans ce cas, il prépare les cartes qu'il souhaite écarter et remplacer par d'autres prélevées sur le talon. Il désigne l'atout, choisissant la couleur qui le favorise. Il s'engage alors à réaliser un nombre de levées supérieur aux autres.

• Jouer sans prendre : toujours après avoir choisi l'atout, le demandeur prend le risque de réussir au moins cinq levées, mais il n'a pas le droit d'écarter. Cette enchère étant supérieure à la précédente, elle peut être faite par l'un des adversaires, à son tour de parler. Elle se nomme « codille ».

• Jouer la vole : le demandeur doit remporter les neuf levées. Cette enchère est la plus forte et l'emporte sur les deux autres.

Chaque fois qu'un joueur dit « je passe », il verse deux jetons à la poule. Le deuxième joueur, à « écarter » doit veiller à ce qu'il reste au moins cinq cartes pour le troisième. Les écarts sont effectués après les enchères.

Le joueur situé à gauche du donneur entame en jouant une carte de son choix. Il doit fournir la couleur demandée ou, à défaut, couper avec un atout ou sinon, se défausser en jetant une carte quelconque. On n'est pas tenu de couper ni de monter : La plus forte carte dans la couleur demandée ou dans l'atout si l'on a coupé, remporte le pli et son possesseur entame la levée suivante.

Lorsque la couleur d'atout est demandée, on peut ne pas fournir si l'on ne détient que des matadores, à condition que l’entame ne soit pas un matadore. Si l'Hombre réussit son contrat, il ramasse la poule et :

• S'il a joué simplement : il reçoit 1 jeton de chaque adversaire.
• S'il a joué sans prendre : il reçoit 6 jetons de chaque adversaire.
• S'il a fait la vole : il reçoit 12 jetons de chaque adversaire.

Si l'Hombre a échoué, il doit doubler la poule pour le coup suivant et payer à chaque adversaire les primes indiquées ci-dessus.

Pendant le jeu, certaines combinaisons permettent à leur possesseur de percevoir un bonus de dix jetons :

Le charivari : quatre Dames.
La discorde : quatre Rois.
Le fanatique : quatre Valets.
La chicorée : les quatre atouts suivant les matadores.
La guinguette : pas d'As noir.
Le mirlire : les deux As noirs et aucune figure à un atout.
La partie carrée : trois Rois et une Dame.
Les yeux de grand-mère : les deux As rouges.
La triomphante : si l'Hombre joue le Spadille comme entame.