Règles du Tute Subastado

Le Tute aux Enchères, ou Subastado, est une variante pour trois joueurs du jeu de cartes du Tute, assez populaire dans le sud de l'Europe. C'est un des jeux les plus difficiles et les plus intéressants qui se pratiquent avec les cartes espagnoles.

Cartes espagnoles

L’objectif du jeu est de réussir le montant des points annoncé dans les Enchères. Ces points sont comptés en faisant le total des cartes des plis gagnés, des annonces et de la Prime obtenue pour le dernier pli (Dix de der).

Pour jouer au Tute Subastado, on utilise un jeu espagnol de quarante cartes, dont on retire les deux, conservant donc trente-six cartes, c'est-à-dire neuf de chaque couleur. Cela permet une distribution égale de toutes les cartes entre les trois joueurs, en l'occurrence douze à chacun.

Valeur des cartes

Pour toutes les couleurs, l'ordre et la valeur des cartes sont les mêmes que pour les autres jeux de la famille du Tute, c'est-à-dire, par ordre décroissant : As (11 points), trois (10 points), Roi (4 points), Cavalier (3 points), Valet (2 points), sept, six, cinq et quatre. Ces quatre dernières cartes n'ont aucune valeur en points et sont appelées « cartes blanches ».

Les enchères et la couleur d’atout

Lorsque les cartes ont été distribuées, et avant de commencer à jouer, les participants disputent des Enchères pour déterminer lequel des trois va être le « Joueur » : elles sont remportées par celui qui annonce le plus de points.

Pour commencer les Enchères, il faut fixer un seuil minimal de points — il est le plus souvent de 60. Il ne faut pas perdre de vue que le total de points d'une partie de Tute est de 130 sans les annonces, et qu'il peut atteindre 230 points avec quatre annonces.

Après la distribution, la dernière carte du paquet ne donne pas l'atout, comme dans les autres variantes du Tute. Dans le cas présent, c'est le « Joueur », c'est-à-dire celui qui remporte les Enchères, qui choisit l'atout.

Avec les cartes qu'ils détiennent, les joueurs évaluent les points qu'ils ont la possibilité de faire, en tenant compte du fait que celui qui gagnera les Enchères choisira l'atout. Ainsi, lorsqu'un joueur a le Cavalier et le Roi dans une couleur, et s'il la choisit comme atout, il a d'entrée 40 points d'annonce (Quarante). S'il a le Cavalier et le Roi dans deux couleurs, il doit choisir comme atout la couleur qui est la plus forte ou la plus longue. Il a ainsi d'entrée 60 points d'annonce (Soixante).

C'est le joueur qui a la Main qui parle le premier dans les Enchères. Il peut dire « Je passe » s'il considère qu'il n'a pas la possibilité de gagner le minimum de points fixé pour commencer les Enchères ou bien annoncer les points qu'il pense pouvoir faire. Il doit s'agir obligatoirement d'un multiple de cinq égal ou supérieur au minimum fixé (60, 65, 70, 75, 80, 85...). Toutefois, le joueur ne peut indiquer la couleur d'atout.

Quand le joueur qui a la Main a parlé, c'est au tour du deuxième. Celui-ci peut dire « Je passe » s'il ne peut annoncer un nombre de points supérieur (de cinq ou d'un multiple de cinq) au total donné par le premier. Dans le cas contraire, c'est-à-dire s'il pense qu'il est capable de faire davantage en désignant la couleur d'atout, il annonce le nombre (multiple de cinq) qu'il croit pouvoir atteindre. Naturellement, si le premier a passé, le deuxième peut enchérir à partir du minimum, puisqu'il n'y a pas d'annonce sur laquelle surenchérir.

Enfin, c'est le tour du troisième joueur, c'est-à-dire du donneur. Il a les mêmes possibilités que les joueurs qui l'ont précédé : passer (s'il ne peut faire mieux que le montant précédemment annoncé) ou surenchérir, toujours en annonçant un total multiple de cinq. Si les trois joueurs passent, la partie est déclarée nulle et il faut alors ramasser les cartes et passer à la distribution pour le coup suivant (en changeant de donneur).

En revanche, si les Enchères sont ouvertes, c'est le joueur qui a annoncé le montant le plus haut qui devient le « Joueur » et qui va jouer contre les deux autres. Il va alors tenter de faire, au minimum, les points qu'il a annoncés, alors que ses adversaires vont s'efforcer de l'en empêcher. Cela signifie que, pour que les défenseurs l'emportent, il n'est nullement nécessaire qu'ils fassent plus de points que le « Joueur », mais qu'ils empêchent simplement ce dernier d'atteindre le nombre de points auquel il s'est engagé.

Selon une variante, les Enchères continuent jusqu'à ce que les deux joueurs qui suivent le dernier à avoir parlé passent, c'est-à-dire qu'il y a plusieurs tours de parole, au lieu d'un seul selon les règles les plus courantes. Toutefois, cette modification n'est pas très intéressante dans la mesure où elle diminue la prise de risque et où elle permet de gagner presque toujours le coup avec des annonces. Il vaut donc mieux jouer avec des Enchères à un seul tour de parole, qui obligent les premiers à parler, à prendre des risques et à annoncer des totaux élevés, souvent à la limite de leurs possibilités.

Le censeur

On empêche également les Enchères trop faibles en jouant avec le censeur, mais il faut alors qu'il y ait quatre participants dans la partie. On pratique alors comme à trois, mais le donneur ne distribue de cartes qu'aux trois autres et non à lui-même, il reste donc en dehors du coup. C'est là d'ailleurs une pratique courante lorsque quatre joueurs sont rassemblés pour un jeu à trois (on la retrouve, entre autres, pour le Tresillo). En ce qui concerne le Tute Subastado avec censeur, le joueur qui effectue la distribution et qui n'a pas de cartes prend celles de celui qui a remporté les Enchères, et, s'il estime pouvoir faire mieux que le total annoncé, il l'augmente de 5 points. Il joue alors à la place de l'autre, et les deux joueurs doivent donc échanger leurs places à la table. Par la suite, le jeu continue avec les nouvelles positions, et ce changement de place est sans doute l'un des principaux inconvénients du jeu avec censeur.

Les annonces

Pour pouvoir faire une annonce, il faut gagner le pli.

Les annonces se font une par une (toujours après le gain d'un pli), en commençant par celle de Quarante.

Puisque seuls les points du « Joueur » importent (c'est-à-dire que seuls comptent la réussite ou l'échec du contrat annoncé lors des Enchères), la défense n'a pas besoin d'annonces, d'autant plus qu'elle donnerait au « Joueur », en le faisant, des indications sur la répartition des cartes.

Pour faire des annonces, il faut détenir les cartes requises (Roi et Cavalier de la couleur correspondante), ce qui signifie que l'on ne peut pas annoncer avec une carte que l'on détenait après la Donne initiale, mais que l'on a jouée entre-temps. Le « Joueur » devra donc s'efforcer de mener son jeu avec d'autres cartes, gardant en main celles de la Combinaison nécessaire pour effectuer son annonce.

Comptabilité

Le « Joueur » qui gagne (en totalisant un nombre de points égal ou supérieur au nombre annoncé lors des Enchères) ou perd (en n'atteignant pas ce nombre) un « contrat » de moins de 120 points empoche ou paie à chacun de ses adversaires l'équivalent des points pariés.

Si le nombre avancé lors des Enchères est égal ou supérieur à 120, le « Joueur » empoche ou paie, selon qu'il gagne ou perd, le double des points pariés.

Les phases du jeu

Dans cette variante du jeu, le « Tute » (Combinaison, dans la main d'un joueur, de quatre Rois ou de quatre Cavaliers) n'est pas valable.

Comme dans tous les cas où il n'y a pas de Talon, il est obligatoire de fournir (jouer la carte de la couleur d'ouverture, quand on en a les moyens), de couper (jouer de l'atout quand on ne peut pas fournir) et de surcouper (jouer un atout plus fort que celui joué précédemment par un adversaire, il n'est évidemment pas nécessaire de couper ou de surcouper la carte d'un partenaire). Celui qui n'a les moyens ni de fournir ni de couper peut se défausser d'une carte quelconque.

Ce défaussement donne évidemment l'occasion d'emmagasiner des points en abattant une carte de valeur quand le partenaire est maître. À l'inverse, il faut bien entendu éviter de faire cadeau de points à l'adversaire.

La couleur de l ‘atout

Contrairement à ce qui se passe dans les autres variantes du Tute, la couleur d'atout n'est pas donnée par la dernière carte du paquet : ici, nous l'avons vu, c'est le joueur qui gagne les Enchères qui décide de l'atout.

Il ne faut pas l'oublier au moment d'évaluer les points que l'on peut obtenir avec les cartes que l'on a reçues, lors de la Donne initiale. Il suffit de se rappeler que la Combinaison Roi-Cavalier dans une couleur peut valoir 20 points dans une couleur quelconque, alors qu'elle vaudra 40 points dans la couleur d'atout.

Début du jeu

Pour commencer, il faut tirer au sort les places à la table de jeu ainsi que le premier donneur. Ensuite, il faut préparer le jeu en sortant les deux d'un jeu de quarante cartes. Après ces préliminaires, le donneur propose le paquet à couper — mais sans le battre ! — au joueur qui est assis à sa gauche. Il procède alors à la distribution des cartes, six par six, dans le sens contraire des aiguilles d'une montre (en commençant par le joueur de droite), de manière que chacun reçoive douze cartes.

Étant donné ce mode de distribution (sans battre et six par six), les jeux sont très irréguliers, avec souvent des couleurs longues et des coupes.

Déroulement d’une partie de Tute Subastado

Les Enchères. Lorsque les trois joueurs ont toutes leurs cartes en main, ils les regardent et évaluent les points qu'ils peuvent espérer réaliser, afin de savoir comment parler dans les Enchères et quel total annoncer. Il faut aussi évaluer les possibilités des adversaires et tenir compte de la possession ou non d'une bonne ouverture.

Le joueur qui a la Main (placé à droite du donneur) commence le tour de parole et déclare qu'il passe dans le cas où il ne peut atteindre le minimum de 60 points ou annonce le nombre de points qu'il pense pouvoir réussir. Les Enchères continuent par le joueur assis à sa droite, et c'est finalement le donneur qui les clôt.

Celui qui gagne les Enchères (parce qu'il a annoncé le nombre de points le plus élevé) devient le « Joueur » et annonce la couleur d'atout. Les deux autres joueurs constituent alors la défense. Lorsque l'on joue avec censeur, ce dernier examine les cartes du gagnant des Enchères et annonce, s'il le souhaite, un nombre plus élevé ; il prend alors la place du « Joueur ».

Si les trois joueurs passent, ils posent leurs cartes ; le nouveau donneur les ramasse et procède alors à la distribution pour le coup suivant.

Le jeu de la carte. Lorsque celui qui a la Main a ouvert, avec la première carte, les autres joueurs doivent jouer une des leurs, chacun à son tour, dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Il est obligatoire de fournir, de monter, de couper ou de surcouper.

Le gagnant de chaque pli ramasse les cartes et prend la Main pour le pli suivant. Comme les deux défenseurs jouent conjointement contre le « Joueur », ils font un seul tas de leurs plis gagnés — le « Joueur » constituant lui-même son propre tas.

Le jeu de la carte est terminé lorsque les joueurs ont joué les douze cartes de leur Main, le dernier pli valant 10 points (Dix de der).

Le décompte

Lorsque le jeu de la carte est terminé, il faut effectuer le décompte des points ramassés par le « Joueur ». On fait donc le total des points des cartes de ses plis gagnés en y ajoutant ceux de ses annonces et, le cas échéant, les 10 points du Dix de der.
Toutefois, il est souvent plus rapide de compter les points réussis par les défenseurs et de les déduire de 120 (valeur totale des cartes) : on trouve ainsi le total des points des cartes du « Joueur », auquel il ne faut pas omettre d'ajouter, là encore, les points des annonces et du Dix de der.

Lorsque tout le monde est d'accord sur le total, il reste à procéder aux paiements.

Variante : Le Tute à l’Atout

Cette variante se joue elle aussi à trois joueurs, mais avec un jeu de quarante cartes. Le donneur remet trois cartes, une par une, à chacun, et il retourne sur le tapis la dernière, qui donne la couleur d'atout.

Avant de commencer le jeu, on peut échanger la carte d'atout contre le sept, si c'est une Figure ou un trois, ou contre le deux si c'est une carte blanche, mais il n'y a nulle obligation en la matière. Si, par exemple, la Retourne est un trois, et que le sept est l'unique atout d'un joueur qui, par ailleurs, détient de mauvaises cartes avec lesquelles il ne peut espérer gagner le coup, il n'a aucun intérêt à faire l'échange, car il a peu de chances de remporter un pli avec ce trois et toutes les probabilités, au contraire, de se le faire prendre par l'As d'atout.

Chacun joue pour lui-même, et il est obligatoire de fournir, de monter, de couper ou de surcouper. C'est seulement lorsque le « Joueur » n'a pas les moyens de monter ni de couper qu'il a le droit de se défausser d'une carte quelconque.

Une seule annonce est autorisée par pli gagnant, et il faut obligatoirement annoncer les Quarante (Roi-Cavalier dans la couleur d'atout) avant les Vingt (Roi-Cavalier dans une autre couleur que l'atout). Au cours du jeu, celui qui fait une annonce reçoit, sur-le-champ, de chacun de ses deux adversaires, 40 points pour l'annonce des Quarante et 20 points pour celle des Vingt.

Le joueur qui fait le plus de points gagne le coup, et reçoit de chacun de ses adversaires 100 points s'il a gagné dans le jeu (c'est-à-dire en dehors des annonces, mais en comptant le Dix de der), 100 points ou moins, et 200 points (c'est-à-dire le double), s'il a gagné dans le jeu plus de 100 points.

Dans cette variante, le « Tute » de Rois (quatre Rois dans une main) ou de Cavaliers (quatre Cavaliers dans une main) sont valables. Le joueur qui détient l'un d'eux gagne la partie et reçoit 200 points de chacun de ses adversaires.