Le Tute

Cousin de la belote, le Tute est probablement l’un des jeux de cartes le plus populaire en Espagne, et il en existe de nombreuses variantes. Nous donnerons une variante originale du Tute, pratiquée en Catalogne, et qui s'appelle le Tuti Boig.

En Espagne, un jeu de cartes comporte 48 cartes, réparties en quatre couleurs de 12 cartes. Les quatre couleurs sont celles des premières cartes connues en Europe : les épées, les coupes, les deniers et les bâtons. Dans chaque couleur, les cartes sont numérotées de 1 à 12, les trois dernières représentant des figures : le 10 un valet, le 11 un cavalier et le 12 un roi. Tout comme pour la Scopa, on peut donc constituer l'équivalent d'un jeu de cartes espagnol à partir d'un jeu de cartes français, en retirant les 10 d'un jeu de 52 cartes et en convenant de faire jouer aux dames françaises le rôle des cavaliers espagnols. Les couleurs françaises sont postérieures aux couleurs espagnoles, piques équivalant aux épées, cœurs aux coupes, carreaux aux deniers et trèfles aux bâtons.

Règles du Tute

De trois à cinq joueurs (cinq étant le nombre optimal de joueurs) utilisent un jeu de 40 cartes, qu'on pourra composer à partir d'un jeu français de 52 cartes dont on aura retiré les 8, les 9 et les 10. On peut aussi jouer à six joueurs en rajoutant les 8 et les 9. L'ordre des cartes est celui de la bataille, à la différence près que la carte la plus forte après l'As est le 3.

On distribue les cartes une par une, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Le donneur retourne la dernière carte, qui désigne l'atout, et la met dans son jeu si toutes les cartes sont distribuées au cours de la donne. On distribue 8 cartes à 5 ou 6 joueurs, 10 cartes à 4 joueurs et 13 cartes à 3 joueurs.

Manière de jouer au Tute

L'objectif, après avoir ramassé des plis au cours du coup et compté ses points en fin de coup, est de ne pas être le second à la marque. On est obligé de fournir à la couleur demandée, et de monter, si on le peut. Si l'on n'a pas de la couleur demandée, on est obligé de couper, si on le peut. Sinon, on se défausse à son gré.

Si l'on a de la couleur demandée après qu'un joueur a coupé, on est obligé de fournir, mais on n'est pas obligé de monter. Si l'on n'a pas de la couleur demandée après qu'un joueur a coupé, on est obligé de surcouper si on le peut. Sinon, on peut sous-couper ou se défausser à son gré. Le joueur à droite du donneur a l'entame. Ensuite, chaque joueur ayant ramassé un pli joue la première carte du pli suivant.

En fin de coup, chaque joueur retourne les cartes des plis qu'il a faits et compte 11 points par As, 10 points par 3, 4 points par roi, 3 points par dame et 2 points par valet. A cela viennent s'ajouter les « 10 de der », pour celui qui a fait le dernier pli, et éventuellement, 40 points pour la belote d'atout (roi et dame d'atout annoncés en cours de jeu) et 20 points pour chacune des belotes des trois autres couleurs, également annoncées en cours de jeu. Toutefois chacune des quatre belotes ne s'annonce que lorsque l'on vient de remporter un pli, et qu'on possède encore dans son jeu le roi et la dame d'une même couleur.

Plusieurs belotes peuvent être annoncées au cours d'un coup, soit par le même joueur, soit par des joueurs différents. Le joueur qui est le second à la marque perd le coup considéré, sauf dans trois cas particuliers :

1. au cours d'un coup, un joueur arrive à faire une levée alors qu'il a encore dans son jeu un carré de rois (le carré, c'est le Tute, ou mariage) ou de dames. Dans ce cas, tous les autres joueurs perdent.

2. en fin de coup, un joueur a fait tous les points, y compris les 10 de der. Dans ce cas, tous les autres joueurs perdent.

3. chaque joueur ayant le même nombre de points qu'un autre joueur perd. La marque est la suivante. A la fin du premier coup, le joueur A a fait 12 points, le joueur B, 8 points, le joueur C, 70 points, et le joueur D, 40 points. Le joueur D, qui est second, a perdu, et raye la première des cinq barres du tableau suivant :

Joueur A l l l l l  
Joueur B l l l l l  
Joueur C l l l l l  
Joueur D ł l l l l  

La colonne de droite sert au « rattrapage » des joueurs. En effet, lorsqu'un joueur perd pour la cinquième fois, il se rattrape en marquant de nouvelles barres dans la colonne de droite, en nombre égal à la différence entre 5 et le nombre des barres rayées du joueur qui en a le plus après lui.

Voyons cela sur un exemple :

Joueur A ł ł l l l  
Joueur B ł l l l l  
Joueur C ł ł ł ł ł l l
Joueur D ł ł ł l l  

Le joueur C vient de perdre pour la cinquième fois. Le joueur ayant le plus de barres rayées après lui est D, qui en a 3. C marque 5 - 3 = 2 barres nouvelles.

Chaque joueur se rattrape ensuite de la même manière, à l'exception du dernier joueur à perdre pour la cinquième fois, qui bénéficie automatiquement d'une barre de rattrapage. Lorsqu'un joueur raye sa dernière barre de rattrapage, il ne joue plus.

On passe ainsi de 6 à 5 joueurs (entre parenthèses en retirant à ce moment les 8 et les 9 du jeu), puis à 4 joueurs, puis à 3 joueurs. Lorsqu'un des trois joueurs restant en lice raye sa dernière barre de rattrapage, la partie prend fin, les deux autres joueurs étant déclarés gagnants.

Remarque

A trois joueurs, la carte désignant l'atout reste sur la table. Si elle est supérieure au 7, le joueur possédant le 7 d'atout peut la prendre en mettant le 7 à la place. S'il s'agit du 4, 5, 6 ou 7, on peut de même la prendre avec le 2.

Jouer de l’argent

Le Tuti Boig peut être un jeu d'argent. Dans ce cas, au début de la partie, il a été convenu entre les joueurs d'une valeur pour chaque barre rayée, par exemple 1 €. Les joueurs A et B ont gagné. Le joueur C a 8 barres rayées et le joueur D, 6 barres rayées. Ils perdent respectivement 8 € et 6 €. A et B gagnent chacun 7 €.

Voici donc un jeu très codifié, original dans son objectif (il ne faut pas être le second), dans le déroulement de la partie (on peut décider au début du coup de chercher à ramasser le maximum de points pour être le premier, puis si les choses ne se passent pas comme prévu, changer son fusil d'épaule pour chercher à être le 3e ou le 4e à la marque en faisant désormais le moins de points possible) et dans sa marque.

Une partie comprend 30 à 40 coups. Les coups où certains joueurs sont éliminés sont peu nombreux, de sorte que les joueurs éliminés ne restent pas trop longtemps inactifs. Dans ce jeu décrit ainsi, le hasard joue un grand rôle. Il est certain qu'une variante ne comportant ni annonce, ni obligation de monter, de couper ou de surcouper présenterait une plus grande souplesse et diminuerait la part laissée au hasard.